Ragnagnagnagna Sacrissime Tofu Sacré roi du maravage de tronche et de la descente de liqueur de Champ-Champ
Avertissements : 0,7853981633974/3 Messages : 1312 Date d'inscription : 18/12/2009 Age : 29
| Sujet: Re: Ceci passera inaperçue sur ce fofo mort Dim 05 Mai 2013, 20:08 | |
| La procession se déroulait dent le chemin creux ombragé par lé grands arbres poussés sur lé talus dé fermes. lé jeunes mariés venaient d’abord, puis lé parents, puis lé invités, puis lé pauvres du pays, et lé gamins qui tournaient autour du défilé, kom dé mouches, passaient entre lé rangs, grimpaient aux branches pr mieux voir. Le marié était un bo gars, Jean Patu, le plut riche fermier du pays. C’était, avant tout, un chasseur frénétique qui perdait le bon sens à satisfaire cette passion, et dépensait de l’argent gro kom lui pr ces chiens, ces gardes, ces furets et ces fusils. La mariée, Rosalie Roussel, avait été for courtisée par tous lé partis dé environs, car on la trouvait avenante, et on la savait bien dotée ; mes elle avait choisi Patu, peu-être parce qu’il lui plaisait mieux ke lé autres, mes plutôt encore, en Normande réfléchie, parce qu’il avait plut d’écus. Lorsqu’ils tournèrent la grande barrière de la ferme maritale, quarante coups de fusils éclatèrent sans qu’on vît lé tireurs cachés dent lé fossés. A ce bruit, 1 grosse gaieté saisit lé hommes qui gigotaient lourdement en leurs habits de fête ; et Patu, quittant sa femme, sauta sur un valet qu’il apercevait derrière un arbre, empoigna son arme, et lâcha lui-même un coup de feu en gambadant kom un poulain. Puis on se remit en route sous lé pommiers déjà lourds de fruits, à travers l’herbe haute, au milieu dé veaux qui regardaient de leurs gro yeux, se levaient lentement et restaient debout, le mufle tendu vers la noce. lé hommes redevenaient graves en approchant du repas. lé uns, lé riches, étaient coiffés de hauts chapeaux de soie luisants, qui semblaient dépaysés en ce lieu ; lé autres portaient d’anciens couvre-chefs à poils longs, qu’on aurait dits en peau de taupe ; lé plut humbles étaient couronnés de casquettes. Toutes lé femmes avaient dé châlé lâchés dent le dos, et dont elles tenaient lé bouts sur leurs bras ac cérémonie. Ils étaient rouges, bigarrés, flamboyants, ces châlé ; et leur éclat semblait étonner lé poules noires sur le fumier, lé canards au bord de la mare, et lé pigeons sur lé toits de chaume. Tout le vert de la campagne, le vert de l’herbe et dé arbres, semblait exaspéré au contact de cette pourpre ardente et lé deux couleurs ainsi voisines devenaient aveuglantes sous le feu du soleil de midi. La grande ferme paraissait attendre là-bas, au bout de la voûte dé pommiers. 1 sorte de fumée sortait de la porte et dé fenêtres ouvertes et 1 odeur épaisse de mangeaille s’exhalait du vaste bâtiment, de toute ces ouvertures, dé murs eux-mêmes. kom un serpent, la suite dé invités s’allongeait à travers la cour. lé premiers, atteignant la maison, braisaient la chaîne, s’éparpillaient, tandis ke là-bas il en entrait toujours par la barrière ouverte. lé fossés maintenant étaient garnis de gamins et de pauvres curieux ; et lé coups de fusil ne cessaient pa, éclatant de tous lé côtés à la fois, mêlant à l’air 1 buée de poudre et cette odeur qui grise kom de l’absinthe. Devant la porte, lé femmes tapaient sur leurs robes pr en fair tomber la poussière, dénouaient lé oriflammes qui servaient de rubans à leurs chapeaux, défaisaient leurs châlé et lé posaient sur leurs bras, puis entraient dent la maison pr se débarrasser définitivement de ces ornements. La table était mise dent la grande cuisine, qui pouvait contenir cent personnes. On s’assit à deux heures. A huit heures on mangeait encore. lé hommes engloutissaient kom dé gouffres. Le cidre jaune luisait, joyeux, clair et doré, dent lé grands verres, à côté du vin coloré, du vin sombre, couleur de sang. Entre chaque plat on faisait un trou, le trou normand, ac un verre d’eau-de-vie qui jetait du feu dent lé corps et de la folie dent lé têtes. De t'en en t'en, un convive plein kom 1 barrique, sortait jusqu’aux arbres prochains, se soulageait, puis rentrait ac 1 faim nouvelle aux dents. lé fermières, écarlates, oppressées, lé corsages tendus kom dé ballons, coupées en deux par le corset, gonflées du haut et du bas, restaient à table par pudeur. mes 1 d’elles, plut gênée, étant sortie, toutes alors se levèrent à la suite. Elles revenaient plut joyeuses, prêtes à rire. Et lé lourdes plaisanteries commencèrent. C’étaient dé bordées d’obscénités lâchées à travers la table, et toutes sur la nuit nuptiale. L’arsenal de l’esprit paysan fut vidé. Depuis cent ans, lé mêmes grivoiseries servaient aux mêmes occasions, et, bien ke chacun lé connût, elles portaient encore, faisaient partir en un rire retentissant lé deux enfilées de convives. Un vieux à cheveux gris appelait : "lé voyageurs pr Mézidon en voiture". Et c’étaient dé hurlements de gaieté. Tout au bout de la table, quatre gars, dé voisins, préparaient dé farces aux mariés, et ils semblaient en tenir 1 bonne, tant ils trépignaient en chuchotant. L’un d’eux, soudain, profitant d’un moment de calme, cria : — C’et lé braconniers qui vont s’en donner c’te nuit, ac la lune qu’y a !… Dis donc, Jean, c’et pa c’te lune-là qu’tu guetteras, toa ? Le marié, brusquement, se tourna : — Qu’i z’y viennent, lé braconniers ! mes l’autre se mit à rire : — Ah ! i peuvent y venir ; tu quitteras pa ta besogne pr ça ! Toute la tablée fut secouée par la joie. Le sol en trembla, lé verres vibrèrent. mes le marié, à l’idée qu’on pouvait profiter de sa noce pr braconner chez lui, devint furieux : — J’te dis qu’ça : qui z’y viennent ! Alors ce fut 1 pluie de polissonneries à double sens qui faisaient un peu rougir la mariée, toute frémissante d’attente. Puis, quand on eut bu dé barils d’eau-de-vie, chacun partit se coucher ; et lé jeunes époux entrèrent en leur chambre, située au rez-de-chaussée, kom toutes lé chambres de ferme ; et, kom il y faisait un peu chaud, ils ouvrirent la fenêtre et fermèrent l’auvent. 1 petite lampe de mauvais goût, cadeau du père de la femme, brûlait sur la commode ; et le lit était prêt à recevoir le couple nouvo, qui ne mettait point à son premier embrassement tout le cérémonial dé bourgeois dent lé villes. Déjà la jeune femme avait enlevé sa coiffure et sa robe, et elle demeurait en jupon, délaçant ces bottines, tandis ke Jean achevait un cigare, en regardant de coin sa compagne. Il la guettait d’un œil luisant, plut sensuel ke tendre ; car il la désirait plutôt qu’il ne l’aimait ; et, soudain, d’un mouvement brusque, kom un homme qui va se mettre à l’ouvrage, il enleva son habit. Elle avait défait ces bottines, et maintenant elle retirait ces bas, puis elle lui dit, le tutoyant depuis l’enfance : "Va te cacher là-bas, derrière lé rideaux, ke j’me mette au lit". Il fit mine de refuser, puis il y alla d’un air sournois, et se dissimula, sauf la tête. Elle riait, voulait envelopper ces yeux, et ils jouaient d’1 façon amoureuse et gaie, sans pudeur apprise et sans gêne. pr finir il céda ; alors, en 1 seconde, elle dénoua son dernier jupon, qui glissa le long de ces jambes, tomba autour de ces pieds et s’aplatit en rond par terre. Elle l’y laissa, l’enjamba, nue sous la chemise flottante et elle se glissa dent le lit, dont lé ressorts chantèrent sous son poids. Aussitôt il arriva, déchaussé lui-même, en pantalon, et il se courbait vers sa femme, cherchant ces lèvres qu’elle cachait dent l’oreiller, quand un coup de feu retentit au loin, dent la direction du bois dé Râpées, lui sembla-t-il. Il se redressa inquiet, le cœur crispé, et, courant à la fenêtre, il décrocha l’auvent. La pleine lune baignait la cour d’1 lumière jaune. L’ombre dé pommiers faisait dé taches sombres à leur pied ; et, au loin, la campagne, couverte de moissons mûres, luisait. kom Jean s’était penché au dehors, épiant toutes lé rumeurs de la nuit, deux bras nus vinrent se nouer sous son cou, et sa femme le tirant en arrière, murmura : « Laisse donc, qu’et-ce ça fait, viens-t’en ». Il se retourna, la saisit, l’étreignit, la palpant sous la toile légère ; et, l’enlevant dent ces bras robustes, il l’emporta vers leur couche. Au moment où il la posait sur le lit, qui plia sous le poids, 1 nouvelle détonation, plut proche celle-là, retentit. Alors Jean, secoué d’1 colère tumultueuse, jura : « Nom de D… ! ils croient ke je ne sortirai pa à cause de toa ?… Attends, attends ! ». Il se chaussa, décrocha son fusil toujours pendu à portée de sa main, et, kom sa femme se traînait à ces genoux et le suppliait, éperdue, il se dégagea vivement, courut à la fenêtre et sauta dent la cour. Elle attendit 1 heure, deux heures, jusqu’au jour. Son mari ne rentra pa. Alors elle perdit la tête, appela, raconta la fureur de Jean et sa course après lé braconniers. Aussitôt lé valets, lé charretiers, lé gars partirent à la recherche du maître. On le retrouva à deux lieues de la ferme, ficelé dé pieds à la tête, à moitié mort de fureur, son fusil tordu, sa culotte à l’envers, ac trois lièvres trépassés autour du cou et 1 pancarte sur la poitrine : « Qui va à la chasse, perd sa plasse ». Et, plut tard, quand il racontait cette nuit d’épousailles, il ajoutait : « Oh ! pr 1 farce ! c’était 1 bonne farce. Ils m’ont pris dent un collet kom un lapin, lé salauds, et ils m’ont caché la tête dent un sac. mes si je lé tâte un jour, gare à eux ! » Et voilà komen on s’amuse, lé jours de noce, au pays normand. | |
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